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Mémoire

Ma mémoire d'éléphant  me porte depuis toute petite. Mon père me l'a transmise.

Comme lui, je peux encore 20 ans après me souvenir d'un repas de famille, quelle date, quel lieu, qui était présent, une ou deux anecdotes, parfois le menu, la lumière, l'humeur ou le placement des uns et des autres.

Je revois toutes les salles de classe de mon enfance, toutes mes vacances, toutes mes rencontres, je peux les situer précisément dans l'espace-temps de ma trajectoire.

Je passe une fois à un endroit et, si je prête attention à mon chemin, je m'en souviendrai sans peine pour mon prochain passage.

Je me souviens du prix des articles que j'ai achetés ce matin. Je m'impatiente à faire réciter son vocabulaire allemand à Lili qui a hérité de la mémoire de poisson en bocal de Mari Charmant – à moi il suffit de photographier dans ma tête la page de son livre pour en mémoriser les mots même si je ne les ai jamais rencontrés avant.

J'ai réalisé seulement récemment que la plupart des gens vivent très bien sans s'encombrer de tout cela. Mais pour moi, si un matin j'ai la tête dans le brouillard pour cause de migraine, fatigue, déprime, virus ou autre, c'est le drame. C'est comme si ma personnalité se désagrégeait. 

Mais aussi, pour moi, aventurer mon esprit dans des espaces non construits fidèlement à ma mémoire est toujours surprenant. Dessiner un mandala, écrire un papyrus. Surprenant mais libérateur aussi.

Et d'ailleurs, je me demande quoi faire de cette mémoire, concrètement, utilement? Alors que les réseaux sociaux mémorisent sans relâche les connections, humeurs, faits et gestes de tout un chacun, alors qu'il me suffit de sortir l'iphone du sac à main à tout moment pour me connecter sur wikipedia et trouver l'information dont j'ai besoin, à quoi mes neurones magasiniers peuvent-ils bien servir encore?

 

 

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En avant 2011

Tourner le dos à 2010 n'a pas été facile. Je sais que cette année marquera un gros tournant dans ma vie, sans doute celui de mon milieu de vie, avec le deuil de différents projets que je portais par habitude mais y croyant de moins en moins. J'avais placé mes souhaits personnels pour 2010 dans le domaine de la gestion des priorités, faire moins mais mieux. Les choix se sont imposés d'eux-mêmes, mais avec combien de turbulences émotionnelles!

Comme j'ai changé cette année…

J'avais le blues au tournant du calendrier. Je ne voyais que des deuils dans cette année 2010 à clore désormais, et que des incertitudes dans cette année 2011 à attaquer sur des bases plus floues que jamais. Qui suis-je? A quoi je sers? Qu'est-ce que je fais là? En revenant volontairement à un rythme de vie plus raisonnable et à une plus grande liberté, j'ai dû me confronter au vertige, au vide de ces questions que j'avais fini par éluder dans le tourbillon du quotidien. C'est là que je mesure combien je suis fragile.

Alors j'ai placé mes souhaits pour 2010 sur l'axe de la force, de la réalisation, de l'utilité. Je veux être utile, aider, construire. Etre utile aux miens au minimum. Etre utile à d'autres en sus. Je sais bien, consciemment, pour l'avoir longtemps expérimenté, que c'est dans le don inconditionnel à l'autre que je m'illumine. Je sais aussi, intuitivement, pour m'y être brûlé les ailes, que le don de soi ne doit pas être au détriment de soi, que c'est d'abord en développant sa force intérieure, le sens d'être connecté à des plans que les mots seuls ne peuvent pas exprimer, que l'on peut donner plus et donc créer plus encore. Et le vrai don est un échange. Il faut aussi apprendre à recevoir.

Je souhaite faire de belles rencontres en 2011. Que les synchronicités m'amènent là où je trouverai du sens naturellement, sans me casser encore et toujours plus la tête à la recherche d'un sens qui m'échappe toujours plus.

Et apprendre chaque jour quelque-chose de nouveau.

Et des objectifs très concrets.

– Réaliser un chiffre d'affaires me garantissant un strict salaire minimum dans ma nouvelle indépendance. Très bonne manière de garder les pieds sur terre – gagner de l'argent! Accessoirement, cela m'occupe l'esprit, au lieu de laisser divaguer sans cesse.

– Accompagner Lili et Ondine dans leurs défis de croissance. Défis scolaires pour Lili, défis émotionnels pour Ondine.

– Accompagner Mari Charmant dans tout ce qui peut lui faciliter la réalisation de son propre chemin de vie. 20 ans à cheminer ensemble cette année… et finalement avec le recul tout cela avait et continue d'avoir étonnamment de sens. J'ai l'impression que je lui ai transmis certaines de mes forces là où il avait des faiblesses, gestion du quotidien et relationnel, et qu'inversement il m'a transmis certaines de ses forces là où j'avais des faiblesses, confiance en moi, communication, vision… Il lui reste à enrichir sa vie spirituelle, il me reste à équilibrer ma vie émotionnelle. Au boulot!

– Peindre un mandala sur toile chaque mois de cette année.

– Planifier des vacances extra-hors-dinaire à Pâques et en octobre, nouveaux lieux, horizons, expériences en famille.

– Fêter de façon exceptionnelle les multiples gros anniversaires de cette année.

– Améliorer notre habitat.

– Faire au moins un nouvel apprentissage chaque jour. 1 notion, 1 rencontre, 1 mot… peu importe, mais la journée sera inoubliable si elle m'a ainsi enrichie… et 365 journées inoubliables feront une très belle année!

– Renouveler mes ambitions pour 2012 où je fêterai mes 18 mois post transition professionnelle.

– Tonifier mon corps. Ce n'est plus de souplesse que j'ai besoin tant je l'ai développée depuis 2005 à force de gym douce, stretching et yoga; c'est de force, de tonus, d'énergie que j'ai besoin à présent.

– Travailler ma lumière intérieure, mon rayonnement, ma beauté, ma créativité, en harmonie avec ce plan subtil que je ne comprends pas – développer ma spiritualité, c'est indispensable pour remplir ce vide de sens qui me déprime trop souvent, comme si, maintenant que j'ai dépassé la peur qui a rétréci ma vie pendant tant d'années, je devais maintenant passer l'épreuve de la tristesse…

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Nouvelle expérience

J'ai fait un nouveau pas dans le dépassement des blocages hérités de mes cours de dessin au collège.

J'en avais gardé une horreur pour la peinture, délavée, qui gondolait le papier le plus épais. J'ai dépassé mon blocage sur le dessin en 2007, et gribouillé pendant 3 ans mes mandalas aux crayons de couleur, toujours trop pâles à mon goût, ou au feutre, qui interdisent toute nuance et mémorisent chaque direction de tracé avec plus ou moins de bonheur. Ces derniers mois cela ne me disait plus rien, je voulais y mettre plus d'énergie, plus de couleur, plus de matière. Alors en novembre je suis allée acheter un peu de matériel et au premier week-end de pluie j'ai tenté l'expérience.

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Le résultat est conforme à mes espérances en matière de couleurs et j'ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec de la vraie peinture, même si j'ai beaucoup tâtonné n'ayant aucune technique! je me rends compte que je n'ai pas assez couvert la toile dont on voit encore la texture par endroits, et aussi que j'ai tout à apprendre en termes de nuances et associations de teintes… et bien sûr le côté plat de mon art naïf me saute aux yeux ainsi. Je ne manque pas d'imagination pour les formes et les couleurs, mais je suis incapable de créer du relief, sans parler de travailler la lumière…

Peu importe, car pour le moment, c'est toujours un moment magique pour moi de créer ainsi. Je n'arrive pas à caser un cours de peinture dans mon agenda: c'est que ce n'est pas le moment encore. 

 

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Du passé au futur

Cet automne j'ai passé beaucoup de temps dans les archives en ligne des Côtes d'Armor. Mon père a pu me fournir les noms, dates et lieux de naissance approximatifs de mes 8 arrière-grand-parents et j'ai pu remonter, branche par branche, parfois jusqu'au 16e siècle.

Et j'ai au fur et à mesure révisé mes connaissances de l'histoire locale.

Comment expliquer que des ancêtres lettrés, y compris les femmes, qualifiés d'honorables au 17ème siècle, s'entre-mêlant avec des prêtres, notaires, avocats, écuyers de basse noblesse, toutes sortes de notables que l'on retrouve parrains ou témoins dans les registres paroissiaux et les premiers registres d'état civil autour de la révolution, n'aient en une poignée de générations transmis que des landes et un peu de pierre à des descendants devenus illettrés dans la 2e moitié du 19ème siècle, chair à canon en 14-18, et complètement complexés par leur langue, leurs habits, leurs culture et leur pauvreté de ploucs tout droit hérités de pauvres hères pas évolués depuis le Moyen-Age (croyions-nous) au milieu du 20ème siècle, jusqu'à ce que l'éducation nationale un peu mieux organisée leur redonne un semblant d'horizon et de dignité?

C'est très bien expliqué ici… J'ai effectivement des ancêtres tisserands, et des paysans nés de père en fils dans le même hameau pendant des générations. Je suppose que ce sont eux qui ont investi leur fortune de la toile dans les maisons de pierre que l'on vend aujourd'hui pour moins cher que ma voiture dans ce même hameau… quelle ironie!

Mais que retenir de cette histoire d'une déchéance que la mémoire familiale a oubliée de verbaliser, n'en transmettant que les émotions que j'identifie très bien à présent:

– la peur de l'avenir, bloquant toute initiative, tout esprit d'entreprise; l'emploi idéal est celui de fonctionnaire, ou à la rigueur dans une grosse boîte, sous le confortable parapluie de l'autorité d'un système ou d'un patron puissant. (A l'époque, comme le résumaient très bien les chouans, il y avait Dieu et le roi, qui les laissaient mener leur business et transmission familiale sans trop les déranger, à part avec quelques impôts excessifs de temps en temps)

– la tristesse du présent, de la difficulté de savoir Qui On Est, coupé de ses émotions les plus enracinées, et de la créativité dont elles sont génératrices, ayant perdu les repères de la langue, des lieux, de légendes d'un autre temps sans pour autant intégrer complètement les nouveaux savoirs un peu trop froids, un peu trop vides des livres et des ordinateurs; cerveau gauche hpertrophié, cerveau droit estropié.

– la honte des erreurs du passé, mais quelles erreurs? il reste ce malaise qui ressort à chaque génération plus tôt dans le chemin de vie, on s'énerve ou on déprime, on se noie dans l'alcool, on rumine de vieilles rancoeurs, ou on finit par perdre la tête. Bon j'exagère un peu ce n'est pas systématique mais pas loin.

Il est temps de faire du nettoyage. Je sens bien confusément que je ne peux pas grandir, évoluer encore sans me débarrasser de quelques-unes de ces casseroles. Au moins je les comprends un peu mieux qu'il y a 3-4 mois à présent.

Je ne peux aussi m'empêcher de faire le parallèle de cette lente déchéance socio-culturelle avec celle qui pourrait toucher nos futurs arrière-arrière-petits-enfants d'Europe, si on ne se bouge pas un peu pour accompagner plus directement les mutations à venir du 21ème siècle naissant. Mais comment??? en tout cas, il faut veiller à garder la mémoire, et l'éducation… pour le reste il faut leur faire confiance, ils seront créatifs.

 

 

 

 

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Noël n’est plus magique

Cette année pour la première fois avec une telle acuité, je n'arrive plus à me plonger dans la magie de Noël, ses préparatifs joyeux, ses fêtes et agapes en tous genre.

Tout se déglingue… d'abord, n'étant plus employée, je n'ai plus le droit aux Noëls des enfants et des salariés. Bon, le Noël des enfants n'a plus beaucoup de sens… Ondine a 8 ans à présent et a rejoint définitivement sa soeur dans la catégorie des grands enfants qui négocient leurs listes de cadeaux à grand renfort de comparaison de catalogues et d'optimisation de séduction de tout succédané de Père Noël, des grand-parents aux grands-oncles en passant Papa et Maman bien entendu. Cela n'a plus rien de magique.

Pour ne rien arranger, j'avais depuis des années un câble de déco longeant le toit du chalet, branché à un minuteur spécifiquement au mois de décembre. Le minuteur a rendu l'âme l'an passé, et j'ai eu la mauvaise idée d'acheter un truc made in China à l'ergonomie épouvantable. Dire que j'ai un doctorat en technologie et que j'ai même programmé des micro-processeurs dans mon jeune âge… mais à l'ère de l'ipad, qu'on ose encore commercialiser des horreurs pareilles, je ne comprends pas. Si des Suisses me lisent n'achetez surtout pas votre minuteur à la Coop. Enfin, il marche, quoiqu'à des heures qui me semblent bizarres… mais ce n'est pas tout: le câble aussi a rendu l'âme. Mais seulement à moitié. Là encore, mes restes de souvenirs d'électricité me perturbent, je ne comprends pas comment c'est possible car je pensais qu'il était câblé en série, mais non, puisqu'il marche A MOITIE. Un mètre allumé, deux mètres éteints, deux mètres allumés, un mètre éteint… Donc j'ai une décoration en pointillé. Ce n'est pas magique du tout. En fait, pour tout dire, c'est même carrément moche.

Je me suis donc dit que j'allais aller au magasin de bricolage racheter une pluie de leds, cela consommera moins, sera très joli sur le long balcon et évitera de rappeler un acrobate pour fixer le nouveau câble sur une grande échelle, là je pourrai l'accrocher moi. Mais voilà, en pratique, on est le 14 décembre et je n'ai toujours pas eu le courage de prendre ma voiture pour aller à 15 ou 20km acheter un truc aussi inutile!

D'ailleurs je n'ai plus aucune envie d'aller dans les magasins. Début décembre, entre l'ouverture des pistes de ski, l'anniversaire d'Ondine et un plat de moules qui m'est resté sur le système digestif une bonne semaine, j'ai tout juste fait une petite excursion dans un magasin de jouets et au marché de Noël de Montreux. Là encore, erreur: c'était le jour de l'Immaculée Conception, et je me suis pris tous les embouteillages des Valaisans et Fribourgeois catholiques donc en congé, en vadrouille dans le canton de Vaud protestant, donc ouvert.

Je suis revenue les mains vides et j'ai fini mes courses de Noël sur Internet. Le dimanche et en soirée, c'est très pratique, toujours ouvert… mais cela n'a fait que me jeter davantage à la figure le côté obligation mercantile de tout ce ram-dam…

Je me souviens pourtant d'avoir, depuis ma première grossesse en 1998, décoré avec joie mon foyer, participé de bon coeur à toutes les fêtes, soigneusement sélectionné, recherché et emballé les cadeaux, comme une des grandes étapes de la vie annuelle d'une maman.

D'une certaine manière, que cette magie s'estompe me fait de la peine, je ressens comme un grand vide triste dans tout ce plein de ramdam qui ne me parle plus… alors je songe aussi différemment au sens de ces jours de décembre qui vont bientôt de nouveau s'allonger, à la pureté de la neige sur laquelle je pourrais marcher en chaussettes tellement elle est propre, au froid propice au recentrage sur l'essentiel: la chaleur intérieure. Et quand Ondine chante Douce Nuit en 3 langues, il y a de la magie dans sa voix. Même si nous ne sommes plus chrétiens, j'ai installé une petite crèche au bord de la cheminée, car c'est un tableau qui me parle… renaissance, lumière, amour.

Le reste est sans magie, mais somme toute, c'est sans importance aussi.

Et ce sera bientôt le temps des bilans, et des nouveaux objectifs. Je ne peux m'empêcher d'y réfléchir déjà…

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Nouvelles perspectives

Au fil des semaines, ma peur s'envole, et je ne regrette rien.

Quand j'étais enfant, toute nouvelle expérience physique me faisait peur. J'étais nulle en gym parce que j'anticipais tellement, mentalement, toutes les manières de me faire mal que j'étais incapable de déplacer avec force et souplesse mon corps complètement crispé et maladroit.

J'ai beaucoup de reconnaissance pour un couple de profs de gym que j'ai eus au collège, et qui m'ont chacun à sa façon aidée à dépasser ces blocages.

Elle, en nous enseignant la relaxation musculaire et la gym rythmique et sportive, deux approches douces du corps et de la joie de vivre qui m'ont donné une autre perception, hors angoisse, de l'activité physique.

Lui, en insistant pendant des semaines pour me faire progresser de 10 cm sur une corde, de 5mn en endurance, ou me convaincre de faire le tour d'une barre en cochon pendu. Je n'ai pas fait d'arrêt cardiaque (malgré un pouls mesuré une fois à 210, si je me souviens bien, tant le coeur du légume que j'étais à 14 ans s'emballait au moindre effort, en fait moitié effort, moitié… stress!). Je n'ai ni brisé ma nuque ni brûlé mes mains.

Et ces micro-réussites m'ont accompagnée dans tous mes efforts ensuite, pour apprendre à skier, à surfer dans la neige, à faire de la planche à voile, à patiner sur la glace. Toujours à mon rythme très tranquille, donc y'a'pas'dkoa s'extasier, m'enfin, je m'amuse. Et même aujourd'hui quand je touche les genoux avec la tête, les jambes étalées devant moi, au yoga, je me sens sereine, enfin réconciliée avec ce corps dont je n'ai longtemps su que faire et qui s'assouplit chaque année un peu plus, au prix d'un patient travail, toujours dans la douceur.

Il y a 10 jours, je suis montée sur le pâturage derrière chez moi. En flânant tout simplement, le nez sur les arbres, songeant au dénivellés relatifs: entre ma maison et le sommet de la forêt à moins d'un km, il y a plus de 200m de dénivélé, ce qui doit représenter plus que mes ancêtres du Centre Bretagne n'ont jamais arpenté, pourtant dans la zone de "Menez", montagnes en breton. Je suis arrivée presqu'au sommet de la piste de ski, encore déserte par 16 degrés à cette mi-novembre particulièrement douce, sans même m'en rendre compte. J'ai regardé l'heure: je n'avais mis que 5mn de plus que d'habitude, et je n'avais aucune fatigue, même pas le souffle rapide. Dire que je faisais une crise d'asthme une nuit sur trois à certaines périodes de ma vie… J'ai eu l'impression d'une harmonie nouvelle avec ce corps que j'apprivoise décidément chaque année un peu plus…

L'essentiel est d'être dans le flux… je n'ai toujours pas bien compris les recettes (ah, le fameux lâcher-prise!), mais je sais que j'ai avant tout besoin d'être libre. Libre d'observer les possibles et choisir, de placer l'intention qui m'inspire, et qui va me guider vers la suite, mais intuitivement, pas par un énième calcul mental. J'utilise mes capacités d'analyse désormais en support à mon intuition et à mes émotions, plus le contraire. 

Cela n'était plus possible dans mon travail il y a quelques mois, et pourtant le plus paradoxal est que je fais encore une partie de ce travail, pour le même chef et avec les mêmes personnes, dans ma nouvelle activité. C'est une situation complètement inhabituelle mais particulièrement riche d'enseignement, puisque cela me permet de mesurer à quel point la structure dans laquelle j'étais enfermée biaisait mes perceptions, et donc mes actions. Chaque semaine qui passe efface un peu plus les émotions négatives que j'avais accumulées jusqu'à un point de retour, et même s'il me reste une immense peur devant chaque prise d'initiative, je sens mon énergie et ma créativité littéralement gonfler. Je suis très curieuse de voir ce que cela va donner ces prochains mois.

J'ai arrêté aussi de m'angoisser à la recherche du sens de ma vie. Cela m'a tellement perturbée au début de cet automne…

Je n'arrive pas à me souvenir de mes rêves d'enfant.

Tous mes souvenirs sont plein de cette structure que j'ai parfaitement maîtrisée: travail scolaire perfectionniste et parfaitement récompensé, bon comportement social systématiquement loué, petite dose de créativité-évasion, mais version sage, limitée à quelques écrits que quasi-personne n'a jamais lus, trajectoire de vie absolument lisse avec des parents et frère et soeur sans histoire comme à peu près tous les ancêtres que je scanne depuis 3 semaines dans une crise aigüe de généalogie (encore pas trouvé une fille mère sur 12 générations, et même une surprenante longévité pour des gens qui ne voyaient jamais un médecin), un compagnon trouvé assez lentement mais suffisamment exceptionnel pour me garder de l'ennui pour de longues années, et des enfants comme on est contents de les imaginer avant de se lancer dans la maternité.

Mais voilà, je n'ai pas de rêves.

D'ailleurs, je rêve peu la nuit…

C'est quand même bizarre d'avoir une vie aussi lisse. Je ne regarde plus de films et je ne lis plus de romans, tant les émotions qui y sont décrites me paraissent puériles, je préfère vivre pleinement les miennes, en prise avec le monde.

Parfois j'ai peur de devenir folle, soit de trop d'ennui, soit de trop d'imagination, mais il reste assez de structure pour me garder l'illusion que tout cela a un sens. D'ailleurs la généalogie m'a aidée à me re-cadrer, à m'enraciner dans une lignée donnant au moins un sens à ma trajectoire familiale, à défaut du reste.

Je vais m'y remettre.

 

 

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Imaginer, et après?

Je me découvre un peu plus chaque semaine.

Cette semaine, j'étais au top intellectuellement. C'est comme si j'avais tout à coup retrouvé ma capacité d'apprentissage maximum. J'ai lu des centaines de pages de documents techniques avec enfin l'impression d'en capter l'essence, presque intuitivement, et surtout de les connecter dans une vision d'ensemble… en voyant les trous, les liens manquants, c'est là que je peux guider les experts ou explorer moi-même.

Mais cela m'a aussi renvoyé à mes limitations. D'abord comment communiquer ces connaissances. Il faut littéralement que je me mette sur la même longueur d'onde que mon interlocuteur, et pour cela il faut que nous soyons tous les deux portés par une émotion positive, sinon le message ne passe pas. D'ailleurs, je n'ai plus de plaisir à écrire de gros rapports techniques dont la lecture ennuiera tout le monde. Mais les émotions positives partagées, ce n'est pas la règle! enfin, je fais de mon mieux… tout en ayant appris que je ne dois pas ignorer mes propres émotions négatives, sans pour autant m'en débarrasser en les jetant à la figure des autres… je dois juste les canaliser ailleurs.

Et puis reste la réalisation de toutes ces idées. Blocage total!

D'abord, je n'ai plus d'équipe, c'est terrible comme on avance lentement quand on est seul. Je ne tiendrai pas comme cela 10 ans, je crois… cela me manque trop. Je commençais juste à développer cette capacité d'accompagnement de l'autre dans son développement… maintenant je rêve d'accompagnement inconditionnel, qui ne soit pas entravé par l'artifice de la hiérarchie. Car quand on donne, en matière de relations humaines, on reçoit au moins autant, donc ce n'est qu'un artifice. Par exemple, donnez à votre chef et vous serez votre propre chef. Cela semble toujours idiot quand on nous le dit, mais c'est vrai, simplement, il faut l'expérimenter pour s'en rendre compte.

Pour réaliser il faut avoir confiance. Et là je rame toujours autant. J'en suis rendue à utiliser mon mental pour mesurer objectivement pourquoi je dois me faire confiance. Cela ne va pas de soi et… c'est toujours incompréhensible pour les gens qui regardent mon parcours. Fichue personnalité.

Et puis enfin, globalement, dans quoi tout cela s'inscrit-il? Fichtre a raison, je suis trop dans le vouloir, mais en même temps jamais je n'ai eu autant de peine en me levant le matin. Chaque matin, maintenant, je ne sais pas ce que je veux faire de ma journée, vu que je n'ai plus personne pour me la dicter (Mari Charmant et les enfants vivent leurs vies sans m'imposer grand-chose, et mon agenda professionnel est loin d'être rempli maintenant). Alors je me demande juste… si ma journée sera juste. C'est ridicule, mais tous les matins c'est la même chose. Je ne sais pas où je navigue la nuit car je ne me rappelle pas de mes rêves, mais j'ai de la peine à en revenir. Et tout est à cette image. Ainsi je peux fermer les yeux et créer un monde, comme dans les rêves… mais ce n'est qu'un rêve, une chimère…

Aujourd'hui j'ai craqué, je suis allée m'acheter une petite toile et de la peinture acryplique. Je ne fais plus de mandalas parce que je les trouve trop fades au crayon de couleur. Dans ma phase de vie actuelle, j'ai besoin de couleurs fortes, vives, énergiques. Alors je vais retrousser mes manches. J'aimerais écrire des histoires aussi. Mais est-ce raisonnable?

Raisonnable… tout est là. Je suis raisonnée et raisonnable. Et j'en ai marre, je me sens comme un adolescent étouffé, j'ai un immense besoin de liberté mais je ne vois pas du tout à quoi il peut bien faire écho dans l'univers quotidien. Pire, le lâcher-prise est terriblement déstructurant, angoissant. Si moi je laisse tout tomber, les autres ne vont-ils pas en faire autant? si les chirurgiens, les pilotes d'avion, les profs, les infirmières, les maires, les mamans se mettent tous au vert, à faire du yoga, à dessiner des mandalas ou à faire la sieste comme le chat, le monde se chargera de nous ramener bien vite à la réalité de nos besoins vitaux les plus élémentaires. Je n'ai pas l'âge d'être retraitée…

Je dois donc procéder par étapes.

Mon imagination est une force, après tout; je dois lui donner de l'espace d'expression dans ma vie. J'ai même envie de dire que c'est la priorité pour les prochaines semaines.

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Temps du brouillard – où donc est mon chemin?

Voilà 2 mois que j'ai arrêté de courir partout. Je commence à en mesurer les effets.

D'abord, il semble que j'ai changé dans le regard de ceux que je ne croise pas au quotidien. Il paraît que j'ai bien meilleure mine et surtout que je suis beaucoup plus zen.

Pour ceux du quotidien, les enfants et Mari Charmant voient la différence. Plus de disponibilité, moins stressée, c'est une évidence.

Et moi… je suis perdue! j'ai l'impression d'avoir éclaté une structure sur laquelle je pouvais facilement me reposer. Je suis face à moi-même et responsable de ma vie comme jamais. Et… c'est complètement angoissant. J'ai un dilemme de fond qui ressort comme jamais: je peux faire plein de choses, mais je ne sais pas quoi faire. Cette difficulté à trouver ma voie, mon chemin, ma vocation m'impatiente maintenant. J'ai toujours aussi une espèce de culpabilité à ne pas utiliser tout ce dont la vie m'a gâtée en le rendant aux autres, à la communauté. Le job que je me suis créé n'est pas encore optimal de ce point de vue.

J'ai encore besoin de temps et d'expérimentation pour trouver ma voie…

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Fête des morts

TOUSSAINTdcl Cette année je renoue à ma façon avec la tradition de la Toussaint ou plus exactement de la fête des morts. J'ai revisité la mémoire familiale encore bien vivante grâce à mon père et nous avons passé 2-3 soirées à naviguer dans les bases de données départementales. Nous avons vu la signature malhabile de quelques-uns de nos ancêtres communs… jamais ils n'auraient imaginé que ce tracé dans un registre d'état civil serait visualisé par leurs descendants au travers d'internet! et depuis l'étranger encore! Bon, à vrai-dire la plupart ne savaient pas signer.

Et les registres sont implacables. Tout ce que la mémoire familiale a déformé ne résiste pas à la recherche analytique… mais il est étonnant aussi de voir ce qui a traversé les générations sans qu'on se souvienne de la source. La grand-tante habile en couture qui inspirait tant ma mère et maintenant ma soeur dans leurs réalisations manuelles, avait un couple de grands-parents… tailleur et couturière. Personne ne s'en souvenait.

Et il y a aussi ce que la mémoire familiale a effacé. Les branches dont on ne parlait pas. On n'en était pas fier sans doute. Difficile de remonter celles-là. Ma propre grand-mère se mélangeait dans ses deux branches, quand nous visitions le village de Kerlean, elle le croyait associé à sa branche paternelle, mais c'est le patronyme de son grand-père maternel que j'y retrouve. Et où sont-ils donc partis en nombre entre 1896 et 1901? où mon arrière-grand-mère a-t-elle vécu son enfance? pourquoi a-t-on raconté à ma grand-mère que son grand-père était mort écrasé par le train, alors qu'on ne le retrouve pas dans les registres? le train… le train… le train est arrivé en 1898. Qu'a-t-il amené, qu'a-t-il emporté? Les cousins de Mamie en savaient un peu plus, mais n'ont jamais voulu lâcher le morceau, "c'est tabou" ont-ils dit. Il y a eu aussi l'arrière grand-tante de Paris dont personne ne connaissait l'existence, révélée dans les papiers de procès des années 20… Un mauvais leasing, mais pour une charrette à l'époque, l'entraide familiale qui foire… mes arrière-grand-parents ont payé, mais qui au juste était coupable? Tout cela est bien compliqué.

Et moi, que vais-je chercher là? je cherche à éclairer les zones d'ombre. Littéralement, y amener de la lumière, si j'arrive à obtenir les données, je les transcenderai dans un papyrus par l'écriture ou dans un mandala symbolique, et je serai plus sereine. J'ai connu mes arrière-grand-parents. Les histoires que l'on cache, ce sont des émotions que l'on cache. Mais les émotions passent par d'autres canaux. Il y a beaucoup de peurs dont j'ai hérité et qui me freinent dans mes réalisations. Je veux remonter au coeur de ce qui me dérange inconsciemment pour guérir de ces croyances encombrantes et grandir de nouveau.

En tout cas, ce qui est ressorti de ma turbulente mue des 6 derniers mois, c'est que je ne sais pas où je vais parce que je ne sais pas qui je suis au fond… Je n'ai jamais eu de rêves à réaliser, même enfant, je ne me souviens pas avoir rêvé autre chose que suivre le chemin que me montraient mes parents. Maintenant je me demande s'il y a un chemin à suivre, s'il ne faut pas plutôt vivre de son mieux. Mais il y a quand même un fil conducteur, c'est comme si un chemin me portait malgré moi. Je ne vois pas devant mais je vois bien derrière que cela a du sens, et même beaucoup de sens.

En Ecosse, dans des sites très énergétiques, j'ai touché furtivement cette grandeur intérieure… mais j'ai beaucoup à dépoussiérer encore pour l'exprimer davantage dans notre monde réel…

 

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Goûts d’automne

Ce matin les enfants sont venues me réveiller au lever du jour pour me montrer les premiers flocons de neige qui virevoltaient dehors. J'avais oublié de rentrer les pétunias du balcon, mais heureusement ils n'avaient pas encore gelé.

Je me suis levée de bonne humeur. J'aime l'automne – la mélancolie de ses brouillards, la prometteuse blancheur des premières neiges, les flammes énergiques du bois desséché par l'été dans la cheminée, le tourbillon des feuilles rousses au simple soupir du vent dans la lumière d'arrière-saison, la douce chaleur sucrée des marrons chauds qui réchauffent les mains, le rituel des bougies allumées à la tombée de la nuit trop vite venue…

L'été indien que j'ai retrouvé en revenant des froides et humides Hautes Terres ne convenait pas à mon humeur un peu mélancolique, à mon besoin de recueillement, à l'appel d'un travail intérieur de fond. Mais c'est fini maintenant, voici les vacances d'automne et la Toussaint dans 2 semaines.

C'est le moment où la Bretagne se rappelle à moi, où je me sens connectée à mon passé, à mes racines, à tous mes héritages de là-bas. Mais tout cela se mêle à mon présent, à mon nouvel ancrage dans cette autre terre rurale où j'habite désormais, sans sacrifier au confort de la vie moderne que le progrès m'a apporté.

J'ai donc pris un demi céleri, un poireau et deux poignées de pommes de terre dans mon panier bio, et je les ai fait mijoter au vin blanc avec la saucisse aux choux sur le lit d'un demi oignon revenu à l'huile d'olive. Papet vaudois façon Kerleane. L'appétit et le plaisir de manger me sont revenus, et le goût prononcé de cette cochonaille aux légumes d'hiver m'a replongée par analogie dans le souvenir des après-midis de vacances d'automne chez mes grand-parents. Pâté Hénaff ou pâté de campagne, rillettes, jambon-mayo, et saucisson fumé à l'ail, et l'incontournable soupe poireaux-carottes-pommes de terre, et la crêpe beurre confiture trempée dans le café au lait sans couler dedans… Saveurs de la mauvaise saison, chaleur des bons vivants, version Bretagne.

Dans quelques jours mes parents viennent pour garder les enfants le temps des vacances. J'ai bravé la pluie glacée pour aller chercher au marché artisanal de la Bénichon deux saucissons rustiques, et je garde la petite courge du panier bio pour leur faire une bonne soupe chaude à leur arrivée, et j'achèterai aussi une cuchaule et de la moutarde de Bénichon au vin cuit de poire et du gruyère d'alpage. Saveurs de la mauvaise saison, chaleur des bons vivants, version Suisse.